Pourquoi ce jardinier expérimenté dit non au paillage des fraisiers (et il a ses raisons)

La saison froide arrive, les fraisiers du potager se préparent à affronter l’hiver… et, chaque année, une question s’invite sur les lèvres des jardiniers français : faut-il, oui ou non, pailler ses fraisiers ? Si, dans la grande famille du jardinage, la réponse semble évidente pour beaucoup, un jardinier expérimenté choisit, contre toute attente, de dire non au paillage systématique. Un choix qui intrigue, surprend et bouscule les certitudes établies. Et si, au lieu de couvrir le sol à tout prix, il valait mieux observer et agir autrement ?

Un réflexe partagé… mais faut-il vraiment pailler ses fraisiers ?

Dans l’imaginaire collectif, le paillage figure parmi les gestes essentiels au potager : installer une couche de paille ou de feuilles mortes au pied des fraisiers pour les protéger des rigueurs de l’hiver et préserver la qualité des fruits. Avec les premiers frimas de novembre, nombreux sont ceux qui s’activent pour installer un “coussin douillet” à leurs pieds de fraises.

En France, cette habitude remonte à plusieurs générations. Elle s’est étoffée avec le temps : copeaux, tontes de gazon séchées, paille de seigle ou même aiguilles de pin font désormais partie des matériaux préférés des jardiniers urbains et ruraux. On vante la simplicité du geste, le gain de temps, mais surtout la promesse d’un verger sain, à l’abri des caprices du climat.

Les attentes autour du paillage : protection contre le froid, humidité et propreté des fruits

Le paillage autour des fraisiers a de quoi séduire. Il agit comme une barrière contre le gel hivernal, limite l’évaporation de l’eau, garde les fruits propres et évite que la terre n’éclabousse les premières fraises printanières. C’est aussi, pour beaucoup, un rempart contre les herbes folles et un habillage soigné du potager ou du massif de fraisiers.

Pourtant, malgré ces atouts présentés dans tous les manuels de jardinage, certains jardiniers alertent : pailler n’est pas toujours le choix le plus judicieux pour la santé des fraisiers.

Les arguments tranchés du jardinier contre le paillage

Pourquoi oser prendre le contre-pied de la tradition ? Derrière l’image rassurante du paillage, des désagréments peuvent se cacher et peser lourd dans la balance du potager.

Des fraisiers plus vulnérables aux maladies ?

En recouvrant trop le sol, le paillage peut piéger l’humidité autour du collet et des feuilles, surtout lors des automnes doux et humides. Cette atmosphère confinée, à défaut de réchauffer, devient propice à la fameuse pourriture grise (Botrytis), qui s’attaque sans pitié aux feuilles et aux fruits en formation.

Cette maladie, cauchemar des fraisiers, affectionne les zones mal aérées et humides, particulièrement si les anciennes feuilles abîmées restent au pied des plants. Si le paillis se transforme en matelas gorgé d’eau, le risque augmente considérablement… et la récolte devient compromise.

Les ravages insoupçonnés des limaces et autres indésirables sous le paillis

Autre revers : le paillage installe une cachette idéale pour toute une tribu d’intrus. Limaces, cloportes, mille-pattes et même rongeurs profitent d’un abri douillet sous la paille pour attaquer discrètement fleurs et fruits dès le retour des beaux jours. Un désastre pour le jardinier qui guette ses premières fraises en juin !

Dans certaines zones humides ou si l’hiver est doux (ce qui est souvent le cas ces dernières années en France), quelques couches de paillis mal ou trop installées se transforment en véritable garde-manger pour ces dévoreurs nocturnes.

Observer plutôt que couvrir : comprendre le cycle naturel des fraisiers

Le jardin écologique moderne invite à observer le cycle de vie des fraisiers plutôt qu’à systématiquement protéger ou isoler artificiellement. En regardant comment le sol, l’air et la lumière interagissent au fil des saisons, on comprend mieux pourquoi chaque geste compte… et parfois, pourquoi le mieux peut être l’ennemi du bien.

La gestion de l’humidité, un point clé pour éviter la pourriture grise

Sur les fraisiers, une bonne santé rime avec sol aéré et juste humide : ni détrempé, ni desséché. En novembre, inutile d’ajouter une épaisse couche de couverture si le sol n’a pas tendance à geler sévèrement dans la région. Il est préférable de redoubler de vigilance contre l’excès d’eau et d’enlever dès qu’elles apparaissent les feuilles noircies ou tachées : c’est la meilleure parade contre la pourriture grise.

L’importance des feuilles et d’un sol aéré dans la santé du fraisier

Un sol léger, bien drainé et dépourvu de débris superflus autour du collet limite la propagation des maladies. Les feuilles mortes accumulées constituent, elles aussi, un terreau parfait pour les champignons hivernaux. Retirer les feuilles abîmées et laisser respirer le pied, c’est garantir un démarrage plus sain à la saison prochaine, avec des plants robustes et peu sensibles aux attaques printanières.

Des alternatives pour des fraisiers sains et productifs

Refuser le paillage ne signifie pas abandonner ses fraisiers à la dureté de l’hiver. Il existe des gestes simples à adopter, tout aussi efficaces que la couverture du sol… et bien moins risqués pour la santé des plants.

Retirer les feuilles abîmées : un geste simple pour limiter les risques

Chaque automne, un passage au jardin pour enlever les feuilles flétries, tachées ou atteintes de moisissure permet de réduire naturellement les sources d’infection. Cette habitude facilite l’aération du pied et limite l’installation durable des champignons pathogènes. Un coup de main rapide, sans produits chimiques, qui fait toute la différence dès la reprise en mars.

Miser sur le bon espacement et l’aération plutôt que sur la couverture du sol

L’espacement des fraisiers est souvent la clé d’une récolte généreuse : installer les pieds à environ 30 cm les uns des autres pour leur offrir un maximum de lumière et de renouvellement de l’air limite naturellement l’apparition des maladies liées à l’humidité. Plutôt que de couvrir, améliorer la circulation de l’air au sein du massif s’avère souvent bien plus bénéfique.

Ce que révèle ce choix sur la manière de cultiver ses fraises

Derrière le refus du paillage, il y a une philosophie : celle de l’observation attentive, de l’adaptation au climat et au sol propres à chaque jardin. L’automne 2025, qui s’annonce aussi doux que les précédents, rappelle qu’aucune règle n’est universelle et que le bon sens reste l’outil le plus précieux du potager.

Prendre en compte le contexte et l’observation de son jardin

Chaque coin de France, chaque jardin urbain, chaque micro-climat a ses spécificités : sol argileux, hiver rigoureux ou douceur océanique… Adapter ses pratiques, c’est considérer l’état réel du sol, l’historique des maladies et la vigueur de ses plants selon les caractéristiques propres à son environnement.

Revoir ses pratiques pour des récoltes plus naturelles et robustes

Parfois, il suffit d’oser la simplicité : observer, nettoyer, espacer, aérer et, si la région est confrontée à des gels intenses, installer un paillage léger, mais sans excès, en retirant systématiquement les feuilles malades. Ce geste, à la fois préventif et respectueux du cycle naturel du fraisier, permet d’allier robustesse et récoltes généreuses, sans tomber dans l’excès de protection.

Les fraises du printemps prochain se méritent dès l’automne, mais chaque jardinier détient la liberté d’ajuster ses rituels, loin des automatismes habituels !

Le secret d’un fraisier en pleine forme résiderait-il dans une observation fine et une main légère plutôt que dans un paillage systématique ? À la clé, un potager moins fragile, plus résilient, et des fruits qui n’ont rien à envier à ceux des meilleures tablées françaises… La balle est dans votre camp pour la prochaine saison !

Écrit par Cecile